Droit du sport

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Aides de l’Etat

Aides de l’Etat

C.J.C.E., arrêt Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg c. Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, 24 juillet 2003, C-280/00.

L’entreprise Altmark Trans a bénéficié, de la part des autorités allemandes de licences d’exploitation portant sur le transport de personnes en car sur une période allant de 1990 à 1996. L’entreprise Nahverkehrsgesellschaft conteste l’octroi de ces licences en invoquant que l’entreprise Altmark ne serait pas viable sans les subventions publiques. Ces subventions sont octroyés afin de compenser le déficit des services de transport. L’entreprise Altmark décide d’introduire un recours devant la Cour administrative fédérale après que la cour d’appel ait donné raison à l’entreprise Nahverkehrsgesellschaft et ait retiré les subventions octroyées à l’entreprise Altmark.

Une question préjudicielle est alors posée par la Cour administrative fédérale à la Cour de Justice de l’Union européenne : « les subventions visant à compenser le déficit d’un service public de transport local de personnes sont-elles visées par l’interdiction des aides énoncées à l’article 87, §1 du traité CE[25], ou, eu égard à leur portée régionale, convient-il de considérer que de telles subventions ne sont, a priori, pas de nature à affecter les échanges entre les Etats membres ? ».

Dans cet arrêt, la Cour a considéré que les compensations n’étaient pas « assimilées » à des aides d’Etat. Elles sont simplement la contrepartie des prestations fournies par l’entreprise.

La Cour dit que le système des compensations est valable si quatre conditions sont réunies.

  • Les obligations de services publics que les entreprises doivent respecter doivent être clairement définies.
  • La compensation doit être calculée au regard de critères établis de manière préalable, objective et transparente afin d’éviter que la compensation ne consiste en un avantage économique.
  • La compensation doit être équivalente aux coûts que l’exécution des obligations du service public occasionne. La compensation ne peut en aucun cas dépasser ces coûts.
  • Quand une entreprise n’a pas été choisie par la procédure de marchés publics, la compensation doit être déterminée de manière telle qu’une entreprise moyenne bien gérée et correctement équipée
  • Il est nécessaire d’avoir égard à ce qu’une entreprise moyenne bien gérée et correctement équipée engendre comme coût pour évaluer le montant de la compensation lorsque l’entreprise concernée qui exécute des obligations de services publics n’a pas été choisie par la procédure de marchés publics[26]. l faut donc avoir égard à ce qu’une entreprise raisonnablement prudente et diligente engendrerait comme coûts dans une situation donnée.

Bruxelles, 22 juin 2017 :

« Une régie communale autonome exploite un hall de sport communal et déduit la TVA en ce qui concerne l’exploitation du hall de sport, y compris la TVA sur l’obtention de l’emphytéose pour ce hall. L’administration rejette toutefois la déduction vu que la régie communale autonome effectue des activités exemptées en vertu de l’article 44, § 2, 3° CTVA parce qu’elle ne poursuit pas de but lucratif. La cour partage cette position de l’administration. La compensation pour les subventions allouées par la commune n’indique pas l’existence d’un but lucratif ».

La régie reçoit alors de l’Etat belge la montant à payer pour régulariser la situation ainsi que l’amende qui lui est assujettie.

C.J.U.E., arrêt Commission européenne c. Fútbol Club Barcelona, 4 mars 2021, C-362/19 P.

Le Futbol Club Barcelona, comme tous les autres clubs sportifs professionnels espagnols a été obligé, par une loi nationale, de changer de statut juridique. Ce changement a pour conséquence que le club doit se soumettre à l’impôt des sociétés. Cependant, des dérogations étaient envisageables telles que la possibilité pour les club ayant effectué un bon résultat de poursuivre leurs activités « en tant que personnes morales sans but lucratif et de bénéficier d’un taux d’imposition inférieur sur leurs revenus». Cependant, la Commission n’était pas d’accord avec ce régime de dérogation. Elle a pris la décision de condamner l’Espagne à supprimer ce régime.

Le club barcelonais a donc introduit un recours contre la décision de la Commission européenne devant le Tribunal de l’Union européenne. Ce dernier a conclu en la faveur du club professionnel. En effet, il a considéré que la Commission n’avait pas assez mis en évidence l’existence d’un avantage. La décision de la Commission a été annulée. La Commission européenne a donc introduit un pourvoi devant la Cour de Justice de l’Union européenne.

La Cour rappelle, tout d’abord, que l’aide d’Etat (au sens de l’article 107, §1er TFUE) doit répondre à plusieurs conditions afin d’être qualifiée comme telle :

  • « il doit s’agir d’une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat » ;
  • « cette intervention est susceptible d’affecter les échanges entre les Etats-membres » ;
  • « doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire » ;
  • « elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence » [27].

La Cour ajoute que constitue également une aide d’Etat, des mesures nationales donnant un avantage fiscal (il n’y a donc pas de transfert de ressources d’Etat) à des bénéficiaires en leur permettant d’avoir une situation financière plus favorable[28].

La Cour de Justice de l’Union européenne décide d’annuler la décision du Tribunal de l’Union et reprend en charge l’affaire. Elle considère que le moyen avancé par le club de football selon lequel la Commission aurait méconnu certaines informations pertinentes pour comparer le régime de dérogation (imposition moins importante pour les clubs qui ont eu de bons résultats) avec le régime fiscal applicable est rejeté. En effet, l’aide accordée par l’Espagne n’avait pas été notifiée préalablement à la Commission. Le FC Barcelone ne pouvait donc pas invoquer la violation du principe de confiance légitime. La Commission avait principalement fait valoir que le régime de dérogation impliquait une différence de traitement entre les clubs professionnels et ceux qui ne le sont pas.

La Cour indique que le Tribunal (qui donnait raison au club sportif) s’est trompé en se basant sur le régime des aides individuelles. En effet, il est de jurisprudence constante que la Commission doit simplement étudier les caractéristiques du régime en cause. Elle n’est pas dans l’obligation de considérer tous les éléments de droit et de fait dont la mesure est assortie.  La Commission a donc correctement analysé la mesure nationale.

Par ailleurs, la Cour rappelle qu’un Etat qui prend une mesure qui déroge au régime normal des aides d’Etat doit être notifiée à la Commission. Cette notification est indispensable afin que la Commission effectue sa mission de contrôle correctement. Sans cette notification, la mesure est illégale au sens de l’article 108, §3 TFUE.

Pour ces raisons, la Cour a jugé que la mesure prise par l’Espagne était une aide d’Etat. La mesure est donc illégale.

C.J.U.E., arrêt The Escape center c. Etat Belge, 22 septembre 2022, C-330/21.

La Cour de Justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préjudicielle en matière de TVA posée par une société exploitant un complexe sportif

La question préjudicielle a été posée par The Escape Center BVBA lors d’un litige opposant cette dernière à l’Administration fiscale belge.

En Belgique, le taux normal de la TVA applicable aux biens et aux services est de 21%. Par dérogation, le taux réduit de 6% est applicable aux biens et aux services énumérés au tableau A de l’annexe de l’arrêté royal n°20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services. Le taux réduit ne s’applique pas aux prestations accessoires à celles faisant l’objet du taux réduit.

The Escape Center est une société assujettie à la TVA et elle exploite un complexe sportif. Dans le cadre de son activité, elle a toujours déclaré la TVA à 21%. Compet tenu d’une jurisprudence nationale en matière de TVA, elle a estimé que le taux de 6% devait s’appliquer à son activité au lieu des 21%. L’arrêté royal n°20 prévoit en effet que le taux de 6% est applicable pour « l’octroi du droit d’accéder à des installations culturelles, sportives et de divertissement, et l’octroi de les utiliser ». The Escape Center BVBA donne également des cours particuliers en sus de donner accès à des installations sportives. The Escape Center BVBA demandait dès lors le remboursement de la différence de 15%.

L’Administration fiscale n’est pas d’accord avec ce raisonnement et a envoyé un avis de régularisation. Elle considère que le contribuable ne peut pas appliquer le taux réduit de 6% à l’ensemble de son activité car celle-ci ne figure pas dans la liste annexe du Code des sociétés soumise au à un taux de 6 %.  The Escape Center a contesté cet avis en introduisant un recours devant le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand.

Le Tribunal constate que la pratique de l’Administration fiscale diffère selon le contrôleur. En effet, certains admettent le taux réduit pour l’ensemble de l’activité et d’autres non. Le Tribunal relève également qu’il se dégagerait d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 10 novembre 2016 que le taux réduit s’appliquerait, même s’il existe un accompagnement individuel ou en groupe accompagne la prestation.

Dans ces circonstances, le Tribunal a posé une question préjudicielle à la CJUE : est-ce qu’une prestation consistant en l’octroi du droit d’utilisation des installations sportives d’une salle de sport et en la fourniture d’un accompagnement individuel ou en groupe peut être soumise au taux réduit de 6% ?

La directive TVA, que la loi belge a transposé dans son droit interne, ne donne pas de définition de « droit d’utilisation d’installation sportive ».

Dans son arrêt du 10 novembre 2016[29], la CJUE a interprété cette notion comme visant le droit d’utiliser des installations destinées à la pratique du sport et de l’éducation physique, ainsi que leur utilisation à cette fin.

Toutefois, The Escape Center BVBA ne donne pas uniquement le droit d’utiliser des installations sportives. Elle propose en sus des accompagnements personnalisés et des cours collectifs. Il y a lieu de vérifier si ces prestations constituent une prestation unique ou si les prestations des cours constituent l’accessoire à l’utilisation des installations sportives ; auxquels cas le taux de 6% ne s’applique pas pour cette partie de l’activité.

Une prestation est « unique » « lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au consommateur, sont étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel »[30].

Pour apprécier s’il s’agit d’une prestation unique ou d’une prestation accessoire, le Tribunal doit rechercher mes éléments caractéristiques de l’opération concernée, en prenant en compte l’ensemble des circonstances dans lesquelles elle se déroule.

La CJUE donne néanmoins les éléments d’interprétation afin de guider le Tribunal.

  • La Cour a déjà jugé que les prestations liées à la pratique du sport et de l’éducation physique doivent être considérées dans leur ensemble dans la mesure du possible. À cet égard, la Cour indique que certaines activités physiques pratiquées dans une salle de sport nécessitent forcément un encadrement rendant possible leur pratique ou ne peuvent être pratiquées que dans le cadre d’un cours collectif. Dans certains cas, il semble que les deux prestations sont tellement liées qu’il s’agit d’une seule et même prestation soumise au taux réduit de 6%.
  • Tel ne sera pas le cas si l’accompagnement ou l’encadrement effectué dans le cadre d’une salle de sport, visent essentiellement l’enseignement ou l’entraînement d’une discipline sportive. Le taux de 6% ne s’appliquera pas aux cours.
  • Si la formule proposée aux clients leur permet d’accéder aux locaux et aux cours collectifs sans aucune distinction, il s’agit d’un indice important de l’existence d’une prestation unique.

Sous réserve de l’interprétation du Tribunal et eu égard aux éléments qu’elle dispose, la Cour estime que l’accompagnement et les cours organisés par The Escape Center BVBA constituent une prestation accessoire à la prestation consistant à donner le droit d’utiliser les installations sportives.

Références

[25] Remplacé par l’actrice 107 TFUE
[27] Arrêt FCB >< Commission européenne, point 57.
[28] Arret FCB, point 60.
[29] C.J.U.E., Bastova, 10 novembre 2016, EU :C :2016 :855, point 66.
[30] C.J.U.E., Levob Verzekeringen et OV Bank, 27 octobre 2005, EU:C:2005:649, point 22.

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