Droit du sport

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Liberté d’expression dans le sport

Liberté d’expression dans le sport

C.E.D.H., arrêt GAFIUC c. ROUMANIE, 13 octobre 2020, n° 59174/13 (liberté d’expression)

Un journaliste sportif a consulté les archives de la Securitate dans le cadre de la rédaction d’articles de presse.

Cependant, il s’est vu retirer l’accès à de la documentation car l’organisme qui l’avait accrédité a jugé qu’il avait divulgué des informations personnelles portant atteinte à la vie privée et familiale de certains sportifs qui avaient recueilli dans les archives stockées par la Securitate. Dans ces articles, le journaliste expliquait notamment les méthodes utilisées par la police afin d’obtenir la collaboration des sportifs.

Le journaliste se rendit jusque devant la CEDH en alléguant une violation de l’article 10 de la Convention des droits de l’Homme. Cet article consacre la liberté d’expression.

La Cour constata que la liberté d’expression peut faire l’objet d’une ingérence. Cette ingérence doit être justifiée.

La Cour rappela les critères pour que celle-ci soit éventuellement justifiée :

  • L’ingérence doit être prévue par la loi : la base légale doit être accessible et prévisible dans ses effets. « La norme doit contenir assez de précisions pour permettre au justiciable de régler sa conduite ».

Les juridictions nationales ont jugé que le journaliste avait outrepassé les limites de son accréditation et la Cour ne remet pas en cause ce jugement.

  • L’ingérence doit viser un but légitime.

La Cour estime qu’il y a un but raisonnable. Il est légitime que l’organisme mette en place un règlement car il possède des informations sur des personnes. Ces données de ces personnes doivent donc être protégées.

  • Elle doit être « nécessaire dans une société démocratique ».

La Cour approuve également ce critère au regard de l’affaire. Le journaliste avait comme objectif de divulguer des informations personnelles et non de contribuer à une étude du phénomène historique sportif. Partant, la Cour a donné raison à la CNSAS en invoquant la protection de la vie privée et familiale des personnes citées dans l’article. L’ingérence à liberté d’expression est donc considérée, par la Cour, comme étant nécessaire à une société démocratique.

La Cour conclut qu’il n’y a pas de violation de l’article 10 de la Convention.

C.E.D.H., arrêt Sedat DOGAN c. Turquie, 18 mai 2021, n° 48909/14

Monsieur DOGAN est dirigeant d’un club sportif et a reçu de la part de la commission et du comité d’arbitrage de football turc des sanctions pour des propos qu’il aurait tenu dans un média télévisé et sur les réseaux sociaux.

La commission du comité d’arbitrage estime que Monsieur DOGAN a eu des propos démesurés, disproportionnés et de nature à porter atteinte aux droits de la personnalité, dépassant les limites du droit critique. Elle estime qu’il a eu un comportement antisportif.

Monsieur DOGAN estime qu’il y a violation de l’article 10 de la Convention des droits de l’homme qui consacre la liberté d’expression. Il invoque aussi la violation de l’article 6 de la Convention car la commission du comité d’arbitrage n’est pas impartiale. Il décide donc de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

La Cour a effectivement constaté qu’il y avait eu violation des article 6, §1 et 10 de la Convention. Elle indique qu’il existait des raisons légitimes de croire que l’indépendance et l’impartialité du comité d’arbitrage était douteuse. En effet, les membres de cette Commission sont nommés par le président de la TFF, organe justement critiqué par le requérant. Elle conclut donc qu’il y a bien eu violation de l’article 6 de la Convention.

Concernant l’article 10, la Cour dit que les décisions de la commission et du comité constituent des ingérences à la liberté d’expression. Certes, ces ingérences faisaient l’objet d’une base légale nationale mais celle-ci n’était pas claire. Ces ingérences avaient un but légitime mais n’étaient pas nécessaires. La Cour a estimé que la motivation de la Commission et du comité d’arbitrage laissait à désirer. Il n’y a pas eu de mise en balance des intérêts entre le droit à la liberté d’expression de Monsieur DOGAN et le droit des dirigeants de la TFF[37]. La Cour constate donc la violation de l’article 10 de la Convention car les conditions nommées à l’article 10, §2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme pour que l’ingérence soient justifiée ne sont pas remplies.

C.E.D.H., Naki et Amed Sportif Faaliyetler Kulübü Dernegi c. Turquie, 18 mai 2021, n° 48924/16 > liberté d’expression

Après un match victorieux, un footballeur professionnel a publié un message sur Facebook. Ce message a été jugé par la Commission de discipline du football professionnel comme de la propagande idéologique ainsi que des propos antisportifs et incitant à la violence. Le footballeur introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme car il estime que les articles 6, §1 et 10 de la Convention des droits de l’Homme ont été violés. La Cour lui donnera raison concernant les deux articles de la Convention.

Le footballeur considère que le comité d’arbitrage n’a pas été indépendant et impartial car il est lui-même nommé par les membres du conseil d’administration de la fédération turque de football. Ceux-ci une fois en place, nomment les membres du comité d’arbitrage. Le mandat des membres du comité d’arbitrage et de ceux du conseil d’administration sont identiques. La Cour relève une violation de l’article 6, §1 de la Convention.

Le footballeur considère également que les sanctions qu’il a reçu de la part de la fédération turque de football constituent une violation de l’article 10 de la Convention, en portant atteinte à sa liberté d’expression. La Cour constate que cette ingérence fait bien l’objet d’une base légale. Elle s’intéresse ensuite au caractère nécessaire (ou non) de la mesure. La motivation de l’ingérence par la fédération nationale n’a pas convaincu la Cour quant à sa nécessité. La Cour conclut donc qu’il y a bien eu violation de l’article 10 de la Convention.

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